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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 63.djvu/432

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DE l’ABBÉ DE CHOISY.

LIVRE DIXIÈME.

Le petit voyage que je viens de faire à La Ferté-Vidame, où M. le cardinal de Bouillon a demeuré quelque temps en s’en retournant à Cluny, m’a fait venir la pensée d’écrire des Mémoires sur sa vie : elle est pleine d’événemens si grands et si singuliers, qu’ils méritent de passer à la postérité. Cinq conclaves, où il a fait voir sa capacité ; deux exils assez longs, qu’il a soutenus avec fermeté ; les évêchés de Liége et de Strasbourg, qu’il n’a manqués que par les intrigues de ses ennemis ; le cardinalat, la charge de grand aumônier de France, l’abbaye de Cluny, dont il a eu la principale obligation à son habileté dans les affaires du monde ; les disgrâces de la fortune et ses faveurs, me fourniront une belle matière, pourvu que je sois instruit de toutes les particularités ; et je me vante que personne sur la terre ne l’est mieux que moi. Je suis ami du cardinal depuis son enfance ; je l’ai suivi dans plusieurs de ses voyages ; j’ai été son conclaviste à l’exaltation du pape Innocent XI ; j’ai fait plusieurs campagnes du Roi dans son carrosse, et dans tous les temps il a eu peu de choses cachées pour moi. Feu M. de Turenne étoit le meilleur ami de ma mère, jusque là qu’étant devenue vieille, elle lui disoit : « Comment se peut-il faire qu’ayant passé notre vie ensemble, vous jeune, moi jolie, vous ne m’ayez jamais dit pis que mon nom ? » Ainsi le car-