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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 63.djvu/444

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DE l’ABBÉ DE CHOISY.

dans une petite maison qu’elle loua auprès de Bellechasse, quartier où il n’y avoit alors que des jardins. Ils y demeurèrent près de deux mois, et y pensèrent être découverts par l’imprudence de ceux qui les servoient. Ils leur laissèrent faire dans le jardin un petit fort, que les uns attaquoient et que les autres défendoient avec grand bruit. Ces enfans n’étoient pas nés pour vivre en filles. Une jardinière du voisinage les vit par dessus la muraille, et dit à ses voisines : « Il y a là dedans de plaisantes petites filles qui font les gendarmes. » Le marquis Du Bec, qui les venoit voir souvent, en fût averti, et résolut de les changer de lieu. Cependant la duchesse de Bouillon, qui étoit accouchée, et en bonne santé, songea à se sauver pour aller trouver son mari à Bordeaux. Mademoiselle de Bouillon sa belle-sœur, et sa fille aînée qui a été depuis duchesse d’Elbœuf, jouoient toute la journée avec Carnavalet. La duchesse les quittoit souvent pour aller écrire, disoit-elle, ou prier Dieu. Elle se cachoit les soirs dans quelque coin de la maison pour mettre en peine Carnavalet, qui la trouvoit toujours ; et enfin elle l’y accoutuma si bien, que quand il ne la trouvoit pas d’abord, il ne s’en étonnoit pas. Un soir qu’elle avoit bien pris ses mesures, elle sortit par le soupirail de la cave avec sa fille aînée, pendant que Carnavalet jouoit au reversis. Un gentilhomme de M. de Bouillon l’attendoit dans la rue, et la conduisit chez un de ses amis, à qui il fit accroire que c’étoit une riche veuve qu’il venoit d’enlever. Elle passa le lendemain dans la maison d’un frère de Bartet, qui a été depuis secrétaire du cabinet, et qui est mort en 1707 à Neuville auprès de Lyon, chez le