Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Je vis Amour faire mouvoir d’une façon si suave ses beaux yeux, que depuis ce moment je me mis à trouver obscure toute autre vue.

Sennuccio, je le vis ; je le vis tendre son arc de telle sorte que depuis ma vie n’a plus été en sûreté, et que je suis encore si désireux de revoir ce spectacle.


SONNET XCIV.

En quelque lieu qu’il se trouve, il soupirera toujours pour Laure.

Qu’on m’envoie là où le soleil tue l’herbe et les fleurs, ou bien là où il est lui-même vaincu par la glace et la neige ; qu’on m’envoie là où les rayons de son char sont tempérés et légers, et là où il nous est tour à tour rendu et soustrait ;

Qu’on me place en une humble ou une éclatante fortune ; qu’on m’expose à l’air doux et serein, épais ou lourd ; à la nuit, au jour court ou long ; que j’arrive à l’âge mûr ou à l’extrême vieillesse ;

Qu’on m’élève jusqu’au ciel, qu’on me laisse sur la terre, ou qu’on me plonge dans l’abîme ; que je sois sur la cime des monts, ou dans les vallées profondes et marécageuses ;

Qu’on me fasse une renommée obscure ou illustre, je serai ce que je fus, je vivrai comme j’ai vécu, continuant à soupirer comme je le fais depuis trois lustres.


SONNET XCV.

Il loue la vertu et les beautés de Laure ; il voudrait que son nom remplît le monde.

Âme gentille, qu’une ardente vertu embellit et réchauffe et pour laquelle j’ai composé tant d’écrits ; toi