Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/110

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mauvaises où me poussent et me portent mes gigantesques désirs.

Et jamais lumière divine n’a vaincu une vue mortelle, comme a fait de la mienne le rayon hautain des beaux yeux de Laure, dans lesquels Amour dore et aiguise ses traits.

Je le vois non pas aveugle, mais armé d’un carquois ; nu, tout autant que la déesse le permet ; sous la figure d’un jeune garçon avec des ailes, non pas peint, mais bien vivant.

C’est de là qu’il me montre ce qu’il cache au plus grand nombre ; car c’est dans les beaux yeux de ma Dame que je lis tout ce que je dis et tout ce que j’écris sur l’Amour.


SONNET C.

Réduit à espérer et à craindre toujours, il n’a plus la force de vivre.

Cette humble cruelle, au cœur de tigre ou d’ours, qui semble un ange sous un visage humain, me balance tellement entre le rire et les pleurs, la peur et l’espérance, qu’elle me tient dans une perpétuelle incertitude.

Si elle ne m’accueille pas bientôt, et ne m’ôte pas le mors, mais si, comme elle a coutume, elle me tient toujours en suspens, je vois bien, ô Amour, par ce doux venin que je sens pénétrer jusqu’à mon cœur à travers mes veines, que ma vie est près de finir.

Ma force fragile et lassée ne peut plus supporter des variations telles que, en un même moment, elles me font brûler, trembler de froid, rougir et devenir pâle.

Mon àme, comme quelqu’un qui d’heure en heure