Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/135

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loin de mon doux air natal de Toscane ; pour faire la lumière dans ma pensée troublée et sombre, je cherche mon soleil, et j’espère le voir aujourd’hui.

J’éprouve par lui tant de douceurs, et si grandes, qu’Amour me ramène par force vers lui ; puis, j’en suis tellement ébloui, qu’il me tarde de fuir.

Ce ne sont pas des armes que je voudrais pour me sauver, mais des ailes ; mais le ciel m’a destiné à périr par la vertu de cette lumière qui, de loin, me consume et de près me brûle.


SONNET CXLII.

Il ne peut guérir de sa blessure amoureuse que par pitié de Laure, ou par la mort.

De jour en jour je vais changeant de poil et de visage ; cependant je ne lâche pas des dents les doux hameçons garnis de leur appât, et je ne cesse de tenir embrassés les verts rameaux englués de l’arbre qui ne craint ni le soleil ni la gelée.

La mer sera sans eau et le ciel sans étoiles, avant que je cesse de craindre et de désirer son bel ombrage, ou de haïr et d’aimer la profonde plaie amoureuse que je cache mal.

Je n’espère pas voir jamais cesser mon tourment jusqu’à ce que je me sépare de mes os, de mes nerfs et que je meure, ou bien que mon ennemie ne m’ait en pitié.

Toute chose impossible peut arriver, plutôt que je sois guéri par d’autres que par la mort, ou par ma Dame, du coup qu’Amour m’a imprimé au cœur avec ses beaux yeux.