Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/289

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montagnes, et personne de nous ne savait en quelle partie du monde nous étions.

Au delà de l’endroit où Égée soupire et se plaint, est une petite île plus délicieuse et plus douce que toutes celles que le soleil échauffe et que la mer baigne.

Au centre, est une ombreuse et verte colline, aux parfums si suaves, aux eaux si douces, que toute pensée virile ne peut rester dans l’âme.

C’est la terre qui est si chère à Vénus, et qui lui fut consacrée dans ces temps où la vraie croyance était encore cachée et inconnue.

Aujourd’hui encore on y connaît si peu la vertu — tellement elle a gardé l’empreinte de sa vile origine — qu’elle paraît douce aux méchants et déplaisante aux gens vertueux.

Or, c’est là que le gentil Seigneur triompha de nous et de tous ceux qu’il avait pris dans ses lacs, de la mer des Indes à celle de Thulé.

Son sein était plein de pensées et ses bras de choses vaines, de plaisirs fugitifs et de constants ennuis ; il faisait éclore les roses pendant l’hiver et était de glace au cœur de l’été.

Il avait devant lui l’espérance douteuse et la joie passagère, et derrière lui le repentir et la douleur, comme on le voit dans l’empire de Rome et dans celui de Troie.

Et toute cette vallée retentissait du bruit des eaux tombantes et du chant des oiseaux, et ses rives étaient blanches, vertes, roses, perses et jaunes.

On trouvait des ruisseaux s’échappant de sources vives, et, pendant la saison chaude, la fraîcheur de l’herbe, les ombrages touffus, et les doux zéphyrs ;