Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/29

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mes propres mains, mis en terre ces membres importuns et ce fardeau.

Mais comme je crains que mourir ne soit autre chose que passer d’une plainte à une autre, et d’une souffrance à une souffrance nouvelle, je reste suspendu, hélas ! entre ce passage qui me serre ainsi et le trépas.

Il serait bien temps désormais que l’impitoyable corde décochât la dernière flèche, déjà teinte et trempée du sang d’autrui.

Et j’en conjure Amour et cette sourde qui m’a laissé tout marqué de sa pâleur, et qui ne se souvient pas de m’appeler à elle.


CANZONE III.

Chagriné d’être loin de Laure, il brûle du désir de la revoir.

Si débile est le fil où s’attache ma vie pénible, que si personne ne lui vient en aide, elle sera bientôt au terme de son cours ; car depuis l’impitoyable séparation d’avec mon doux bien que j’ai dû subir, un seul espoir a été jusqu’ici la raison pour laquelle je vis, disant : puisque tu es privée de la vue aimée, conserve-toi, âme attristée ; qui sait si tu ne reviendras pas encore à des temps meilleurs et à de plus heureux jours ? Ou si le bien perdu ne se recouvre jamais ? Cet espoir m’a soutenu un temps ; or, il vient à me manquer, et je vieillis trop avec lui.

Le temps passe, et les heures sont si promptes à fournir leur voyage, que je n’ai pas assez de loisir pour penser seulement avec quelle rapidité je cours à la mort. À peine un rayon de soleil a-t-il surgi à l’orient, que tu le verras arrivé aux monts qui sont à l’autre bout de l’horizon, par des chemins longs et