Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/303

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Cette belle compagnie était rassemblée là pour contempler la fin qu’il faut que tous fassent et ne fassent qu’une fois.

Elles étaient toutes ses amies et ses voisines. Alors la Mort arracha de sa main un cheveu d’or de cette blonde tête.

Ainsi elle cueillit la plus belle fleur du monde ; non par haine, mais pour démontrer plus clairement sa puissance sur les choses sublimes.

Que de lamentations ! que de pleurs furent répandus, sans qu’une larme tombât de ces yeux secs désormais, et pour lesquels j’ai si longtemps chanté et brûlé !

Et au milieu de tant de soupirs et de tant de douleurs, elle seule était silencieuse et gaie, cueillant déjà les fruits de sa belle vie.

« — Va-t’en en paix, ô véritable Déesse mortelle — », dirent ses compagnes. Et elle le fut bien en vérité ; mais cela ne lui servit de rien contre la Mort si sévère à exiger son droit.

Qu’adviendra-t-il des autres, si celle-ci fut tour à tour brûlante et glacée en quelques nuits, et changea tant de fois ? Ô espérances humaines, aveugles et fausses !

Si la terre fut baignée de nombreuses larmes par la pitié de ces âmes gentilles, celui-là le sait qui le vit ; et toi qui l’écoutes, tu peux te l’imaginer.

Ce fut à la première heure du sixième jour d’avril qu’elle s’empara jadis de moi, et qu’elle m’a laissé maintenant hélas ! Comme la Fortune change de façons d’agir !

Jamais personne ne se plaignit autant de sa propre servitude ou de sa mort, que moi de la liberté et de la vie qui me furent laissées.