Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/304

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Suivant les lois du monde et de l’âge, on aurait dû me faire partir avant elle, moi qui étais venu le premier, et ne pas priver si tôt l’univers de son plus bel ornement.

Or, quelle fut ma douleur, cela ne se peut mesurer ici, car à peine osé-je y penser, loin d’être assez hardi pour en parler en vers ni en rimes.

« — La vertu est morte, ainsi que la beauté et la courtoisie — disaient tristement les belles dames autour du chaste lit — qu’adviendra-t-il désormais de nous ?

« Qui verra jamais plus dans une femme, beauté si parfaite ? qui entendra un langage si plein de savoir, un chant si rempli d’angélique douceur ?

« Son esprit, pour quitter ce beau sein où il s’était caché avec toutes les vertus, avait rendu le ciel serein sur son passage.

« Aucun de ses ennemis n’eut jamais la hardiesse de paraître devant elle avec un visage sombre, jusqu’à ce que la Mort eût livré son rude assaut. — »

Après qu’on lui eût rendu un juste tribut de larmes et de crainte, chacune de ses compagnes regardait son beau visage, et se tenait muette de désespoir,

L’âme de Laure s’en alla en paix et contente, non comme une flamme qu’on éteint de force, mais comme une lumière qui s’éteint d’elle-même,

Comme un suave et pur flambeau auquel la nourriture manque peu à peu, conservant jusqu’à la fin sa contenance habituelle.

Non point pâle, mais plus blanche que la neige qui tombe à flocons dans une belle vallée, alors que le vent se tait, elle paraissait reposer comme une personne lasse.