Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/310

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me taisais ; car la vergogne et la crainte faisaient paraître peu de chose un grand désir.

« La douleur n’est pas moindre parce qu’on la cache, de même qu’elle n’est pas plus grande quand on va se lamentant ; la fiction n’accroît ni ne diminue la vérité,

« Mais au moins tout voile ne s’est-il pas déchiré, quand, toi présent, j’ai accueilli tes paroles par cette chanson : « Dire plus, notre amour ne l’ose ? »

« Mon cœur était avec toi ; je gardai les yeux pour moi ; tu t’es plaint de cela comme d’un partage injuste, alors cependant que je te donnais le meilleur et que je t’enlevais le moins bon.

« Et ne crois pas que, bien qu’ils te fussent enlevés, ils ne t’ont pas été mille et mille fois rendus, et qu’ils ne se tournèrent pas vers toi avec pitié.

« Et ils se seraient toujours tournés tranquillement vers toi, si je n’avais pas eu peur de tes dangereuses flammes.

« Je veux te dire plus encore, pour ne pas te laisser sans une conclusion qu’il te sera peut-être agréable d’entendre au moment de nous séparer :

« Très heureuse en toutes les autres choses, une seule m’a déplu ; c’est d’être née dans une trop humble cité.

« Je regrette vraiment encore de ne pas être née au moins plus près de ton nid de fleurs. Mais assez beau fut le pays dans lequel je te plus.

« Car ton cœur, en lequel seul je me fie, pouvait se tourner ailleurs si tu ne m’avais pas connue ; et j’en aurais été moins illustre et d’une moindre renommée. — »

« — Cela non — répondis-je — car la troisième