Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/329

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craint pour l’avenir, ait bien soin, pendant qu’il a son entier libre arbitre, de placer son espoir sur des choses durables.

Car j’ai vu le Temps marcher si rapide à la suite de son guide qui jamais ne se repose, que je ne le dirai pas, parce que je craindrais de ne pas pouvoir le faire.

J’ai vu la glace, et tout de suite après la rose ; presque en un même moment le grand froid et le grand chaud ; ce qui, seulement à l’entendre, semble une admirable chose.

Mais quiconque y réfléchira avec un jugement sain, verra bien qu’il en est ainsi, ce que je n’avais pas encore vu, quant à moi ; de quoi je suis très fâché contre moi-même.

Jusque-là, j’avais suivi les espérances vaines et les vains désirs ; maintenant, j’ai devant les yeux un éclatant spectacle ; maintenant, je me vois moi-même et je comprends mon erreur.

Et, autant que je peux, je m’apprête pour la fin, songeant combien est courte ma vie pendant laquelle j’étais ce matin un enfant, et je suis maintenant un vieillard.

La vie mortelle est-elle rien de plus qu’un jour nébuleux, court, froid et plein de tristesse, qui peut sembler belle, mais qui ne vaut rien ?

Ici est l’espérance humaine et, ici la joie ; ici les misérables mortels lèvent la tête ; et aucun ne sait le temps qu’il a à vivre et l’heure où il doit mourir.

Je vois combien est prompte la fuite de ma vie et de celle de tous les autres ; et dans la rapidité du soleil, la ruine du monde se manifeste.

Maintenant, ô jeunes gens, raffermissez-vous dans