Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/331

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« Le Soleil, vainqueur de tout génie, roulera non pas seulement des années, mais des lustres et des siècles, et fera voir le peu de consistance de ces illustres.

« Combien furent célèbres, depuis le Pénée jusqu’à l’Èbre, dont le souvenir s’est évanoui ou ne tardera pas à s’évanouir ! Combien sur le Xante et combien dans la vallée du Tibre !

« C’est un printemps douteux, une instable sérénité que votre renommée ; un léger nuage l’obscurcit. Le long espace de temps est un grand poison pour les grands noms.

« Ils passent vos triomphes et vos pompes ; elles passent les seigneuries, ils passent les royaumes ; le Temps détruit toute chose mortelle.

« Et ce qu’il enlève aux moins bons, il ne le donne pas aux plus dignes. Et ce n’est pas seulement les choses du dehors que le Temps efface, mais vos éloquences et vos génies.

« Ainsi fuyant, il emporte le monde avec lui ; et jamais il ne se repose ; jamais il ne s’arrête ni ne revient sur ses pas, jusqu’à ce qu’il vous ait réduit à un peu de poussière.

« Or, la gloire humaine ayant tant de têtes, ce n’est pas grande merveille si, pour les abattre, il faut plus longtemps que pour le reste.

« Mais quoi que le vulgaire pense ou dise, si notre vie n’était pas si courte, vous les verriez bientôt réduites en poussière. — »

Après avoir entendu cela — car on ne doit pas se refuser à croire au vrai, mais on doit lui donner une entière croyance — je vis toute notre gloire fondre comme neige au soleil.