Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/350

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SONNET IX.

Il invite les dames et les amoureux à pleurer avec lui la mort de Cino da Pistoia.

Pleurez, dames, et qu’avec vous pleure Amour ; pleurez, amants de tous pays, puisqu’est mort celui qui, pendant qu’il vécut en ce monde, mit tous ses soins à vous faire honneur.

Pour moi, je supplie mon acerbe douleur de ne pas m’empêcher de pleurer sur lui, et de me laisser la faculté de soupirer autant qu’il sera besoin pour me soulager le cœur.

Que mes rimes pleurent aussi, et mes vers, car notre amoureux messer Cino vient de nous quitter.

Que Pistoia pleure ainsi que ses citoyens pervers, qui ont perdu un si doux voisin ; et que se réjouisse le Ciel où il est allé.


SONNET X.

À Orso dell’Anguillara, qui se plaignait de ne pouvoir assister à un tournoi.

Orso, on peut bien mettre un frein à votre destrier et le faire revenir sur ses pas, mais qui pourra enchaîner le cœur de façon qu’il ne se délivre pas de ses liens, s’il a soif de l’honneur et s’il abhorre le contraire ?

Ne vous plaignez pas ; on ne peut lui enlever son prix parce qu’on vous empêche à vous d’y aller ; car, ainsi que le proclame la publique renommée, il est déjà là où nul autre ne l’a précédé.

Il suffit qu’il se retrouve au milieu du champ clos au jour dit, sous ces armes que lui ont donné le temps, l’amour, la valeur et le sang ;