Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/357

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alors que, las et assoiffé, il ne trouva plus à boire dans le fleuve que du sang au lieu d’eau.

Je passe sous silence César, qui teignit l’herbe du sang de leurs veines, par toutes les plaies qu’il leur fit avec notre fer. Maintenant il semble, par je ne sais quelles malignes étoiles, que le ciel nous ait en haine, grâce à vous à qui une si grande mission a été confiée. Vos volontés divisées ruinent la plus belle partie du monde. Quelle faute, quel jugement ou quelle destinée vous font molester le voisin appauvri, poursuivre les malheureux affligés et en fuite, chercher au dehors des gens d’armes, et avoir pour agréable qu’ils répandent leur sang et vendent leur âme pour un vil prix ? Je parle pour dire la vérité, non par haine d’autrui, ni par mépris.

Ne vous apercevez-vous pas non plus, après tant de preuves, de la fourberie bavaroise, qui, levant le doigt, plaisante avec la mort ? Ce jeu est pire, à mon avis, que le dommage qu’il nous cause. Mais votre sang pleut plus largement, car une autre colère vous excite. De mâtine à tierce, pensez à nous, et vous verrez combien peu on estime autrui quand on se tient soi-même pour si vil. Noble sang latin, secoue loin de toi ces dangereux fardeaux ; ne te fais pas, sans sujet, une idole d’un vain titre, car si la fureur d’une nation sauvage nous surpasse en intelligence, c’est notre faute et non chose naturelle.

N’est-ce pas là la terre que j’ai foulée la première ? N’est-ce pas là le nid où je fus élevé si doucement ? N’est-ce pas là la patrie en qui je me confie, mère bénigne et pieuse, qui recouvre mes ancêtres ? Pour Dieu, que cela émeuve parfois votre esprit ; considérez avec pitié les larmes du peuple doulou-