Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/55

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aspect, et quand vous partez, ils reviennent tous les deux. Mais comme ma mémoire pleine de ce que j’ai vu, leur ferme l’entrée, ils ne vont pas au delà de la porte. Donc, si quelque beau fruit naît de moi, c’est de vous qu’en vient la semence première. Moi je suis comme un terrain aride, cultivé par vous ; et tout le mérite de ce que je fais vous appartient.

Chanson, tu ne saurais me satisfaire ; au contraire, tu me stimules à parler de ceux qui m’ont volé à moi-même. Donc, sois sûre que tu ne seras pas seule.


CANZONE VII.

Les yeux de Laure s’élèvent à contempler les chemins du ciel.

Ma gente Dame, je vois, dans le mouvement de vos yeux, une douce lumière qui me montre la voie qui conduit au ciel ; et par suite d’une longue habitude, je vois à travers eux, où j’habite seul avec Amour, reluire quasi visiblement votre cœur. C’est là la vue qui me pousse à bien faire, et qui me guide au but glorieux. C’est là ce qui me sépare seul du vulgaire ; et jamais langue humaine ne pourrait raconter ce que ces divines splendeurs me font ressentir, soit quand l’hiver déverse ses bruines, soit quand l’année vient ensuite à rajeunir, comme elle était au moment où j’éprouvai ma première angoisse amoureuse.

Je pense : si là-haut, d’où l’éternel Moteur des étoiles daigne montrer quelques-unes de ses œuvres sur la terre, les autres œuvres de Dieu sont si belles, que s’ouvre vite la prison où je suis enfermé et qui me barre le chemin pour arriver à une telle vie. Puis je me remets à penser à ma souffrance habituelle, remerciant la Nature et bénissant le jour où je suis né,