Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/57

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cher regard, je m’efforce d’être à la hauteur d’une telle espérance et du noble feu dont je brûle tout entier. Si je pouvais, à force de soins, devenir prompt au bien et tardif pour faire le mal, dédaigneux de tout ce que le monde désire, une telle ardeur pourrait peut-être m’aider dans le doux jugement de Laure. Certes, la fin de mes pleurs, que mon cœur ne demande pas à autre chose, doit venir des beaux yeux tremblant enfin d’amour, suprême espoir des amants courtois.

Chanson, une de tes sœurs t’a précédée de peu, et je sens l’autel s’apprêter dans la même officine ; de sorte que j’ai plus d’une page encore à tracer.


CANZONE VIII.

Il trouve tout son bonheur dans les yeux de Laure, et proteste qu’il ne cessera jamais de les louer.

Puisque, pour mon destin, ce désir enflammé qui m’a toujours forcé de soupirer, me contraint aujourd’hui à parler, Amour, toi qui me l’as mis au cœur, sois mon guide et enseigne-moi le chemin, et fais que mes rimes soient dignes de mon désir ; mais non de façon que mon cœur s’amollisse sous une trop grande douceur, comme me le fait craindre ce que je sens là où les regards d’autrui ne peuvent atteindre. Parler m’enflamme à la fois et me fait souffrir, et je ne trouve pas — ce dont je m’épouvante et ce qui me fait trembler — que, comme d’habitude, le grand feu de mon âme s’apaise par les efforts que je fais pour parler. Au contraire, je me consume au son de mes paroles, absolument comme si j’étais une statue de glace en plein soleil.