Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/82

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Ici elle chanta doucement, et là elle s’assit ; ici elle se retourna vers moi, et là elle ralentit le pas ; là ses beaux yeux m’ont percé le cœur.

Là elle dit une parole, et là elle sourit, là elle changea de visage. C’est dans ces pensées, hélas ! que nuit et jour me tient Amour, notre maître.


SONNET LXXVI.

La vue seule de Vaucluse lui fait oublier tout les périls du voyage.

Ici, où je ne suis qu’à moitié, mon Sennuccio — que n’y suis-je en entier et content de vous y voir ! — je suis venu fuir la tempête et le vent qui ont rendu soudain le temps si mauvais.

Ici je suis en sûreté ; et je veux vous dire pourquoi je ne crains plus la foudre comme de coutume, et pourquoi je n’ai pas trouvé ici mon ardent désir diminué, loin de le voir éteint.

Aussitôt que, arrivé dans ce pays de l’Amour, j’ai vu les eaux sur les bords desquelles naquit Laure si douce et si pure, qui apaise l’air et chasse le tonnerre,

Amour a rallumé le feu dans mon âme où elle règne en maître, et a éteint la peur. Que serait-ce donc si je voyais les yeux de Laure !


SONNET LXVII.

De retour à Vaucluse, il désire seulement être en paix avec Laure, et d’être honoré par son ami Colonna.

Loin de l’impie Babylone, d’où toute honte est bannie, d’où toute chose bonne a été chassée, hôtellerie de douleur, mère d’erreurs, je me suis enfui pour consumer ma vie.