Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/83

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Ici je suis seul, et, selon qu’Amour m’y invite, je cueille tantôt des rimes, tantôt des vers, des plantes ou des fleurs, m’entretenant avec lui, et pensant toujours à des temps meilleurs ; et cela seul me donne du courage.

Je n’ai souci ni du vulgaire ni de la fortune, ni de moi-même beaucoup, ni de la chose vile, et au dedans comme au dehors, je ne ressens point une grande chaleur.

Je désire seulement deux personnes ; je voudrais que l’une vînt à moi le cœur humble et apaisé, et que l’autre fût plus ferme que jamais sur ses pieds.


SONNET LXXVIII.

Laure s’étant retournée pour le saluer, le soleil, de jalousie, se couvre d’un nuage.

Entre deux amants je vis une dame honnête et altière, et avec elle, ce maître qui règne sur les hommes et sur les dieux. Le soleil était d’un côté et moi de l’autre.

Quand elle s’aperçut qu’elle était entourée des rayons du plus beau des deux amants, elle se tourna toute joyeuse vers moi, et je voudrais bien qu’elle ne me fût jamais plus cruelle.

Soudain se changea en allégresse la jalousie qui m’était tout d’abord née au cœur à la vue d’un si grand rival.

Pour lui, il voila d’un petit nuage sa face larmoyante et triste, tellement il eut de dépit d’avoir été vaincu.