Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/98

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SONNET LXXXVII.

Il voudrait expliquer la cause de tant d’effets contraires qui se manifestent dans l’amour, mais il ne le sait pas.

Si ce n’est pas l’amour, qu’est-ce donc que je sens ? Mais si c’est l’amour, pour Dieu, quelle chose est-ce ? Si elle est bonne, pourquoi produit-elle un effet cruellement mortel ? Si elle est mauvaise, pourquoi tous les tourments qu’elle occasionne sont-ils si doux ?

Si c’est volontairement que je brûle, pourquoi est-ce que je pleure et que je me lamente ? Si c’est malgré moi, à quoi sert de me lamenter ? Ô mort aiguë, ô délicieux mal, comment avez-vous tant de pouvoir sur moi si je n’y consens point ?

Et si j’y consens, c’est à grand tort que je me plains. Au milieu de vents si contraires, je me trouve en pleine mer sur une frêle barque et sans gouvernail,

Si léger de savoir, si chargé d’erreur, que je ne sais pas moi-même ce que je me veux, et que je tremble en plein été, et brûle en plein hiver.


SONNET LXXXVIII.

Il reproche à l’Amour d’être cause des maux dont il est affligé, sans espoir d’en guérir.

Amour a fait de moi comme une cible pour ses traits ; je suis comme la neige au soleil, comme la cire au feu, et comme la neige au vent ; je me suis déjà enroué, madame, à vous crier merci, et vous n’en avez cure.

C’est de vos yeux qu’est parti le coup mortel contre lequel ni le temps ni le lieu ne sauraient servir de rien. C’est de vous seule que provient — et cela vous