Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/97

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Et je trouve ma seule consolation dans une image que n’ont faite ni Xeuxis, ni Praxitèle, ni Phidias, mais un bien meilleur maître, et d’un bien plus haut génie.

En quelle Scythie ou en quelle Numidie pourrais-je être en sûreté, puisque, non contente de mon exil immérité, l’envie vient me retrouver jusque dans la retraite où je suis caché ?


SONNET LXXXVI.

Il espère qu’en donnant plus de force à ses vers, Laure lui sera plus favorable.

Je voudrais chanter assez admirablement l’amour pour arracher de force, du cœur endurci de Laure, mille soupirs par jour, et pour allumer mille brûlants désirs dans son esprit de glace.

Et je verrais son beau visage changer souvent de couleur, ses yeux se mouiller, et, devenus plus tendres, se tourner vers moi, comme font d’habitude ceux qui se repentent, mais trop tard, des souffrances qu’ils font endurer aux autres, et de leur propre erreur.

Je verrais les roses vermeilles de ses lèvres, parmi la neige de son visage, s’agiter au souffle de son haleine, et découvrir l’ivoire qui change en statue de marbre quiconque le regarde.

Et tout cela, parce que dans cette vie courte je ne me suis pas à charge à moi-même, et qu’au contraire je me fais gloire d’avoir été réservé pour vivre jusqu’à la vieillesse.