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Page:Petrone - Satyricon, trad. de langle, 1923.djvu/312

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plaisirs ! Jamais tu ne viendras à bout du feu qui me dévore qu’au prix du plus pur de ton sang ! »

‘ Décontenancé par tant d’emportement, je dus recourir aux plus douces paroles pour me débarrasser d’elle : je craignais que tout ce bruit ne parvînt aux oreilles d’Eumolpe, car, rendu orgueilleux par la prospérité, il nous regardait maintenant d’un œil de maître. J’employai donc toute mon adresse à calmer Chrysis ; je lui jouai la comédie de l’amour ; je lui susurrai de tendres paroles ; en un mot, je dissimulai si bien qu’elle crut à ma passion pour elle. Alors je lui expliquai dans quels périls elle allait nous mettre tous deux si elle se laissait pincer avec moi dans ma chambre, et je lui dépeignis Eumolpe comme un maître qui punissait sévèrement la moindre bagatelle. Ce qu’entendant elle s’empressa de fuir et cela d’autant plus vite qu’elle vit entrer Giton, qui avait quitté la chambre un peu avant son arrivée.’

Elle était à peine sortie qu’un des nouveaux valets d’Eumolpe entra en coup de vent et m’avertit que le maître était fort en colère contre moi, parce que j’avais manqué le service depuis deux jours ; il ajouta que j’agirais prudemment en préparant à l’avance quelque excuse plausible, car il n’était guère probable que la colère d’Eumolpe se calmât sans coups de bâton.

‘ Je parus à Giton tellement agité et triste qu’il renonça à me dire quoi que ce fut au sujet de la femme. Il ne me parla que d’Eumolpe et me conseilla de tourner cette affaire à la plaisanterie plutôt que de lui en parler sérieusement. Je suivis le conseil et j’abordai l’entretien avec une mine si réjouie que le poète m’accueillit sans sévérité et même gaiement ; il me plaisanta sur les faveurs que me réservait Vénus, loua fort ma beauté et mon allure qui faisaient de moi la coqueluche des dames : « Je n’ignore