Page:Petrović-Njegoš - Les Lauriers de la montagne, trad. Veković, 1917.djvu/155

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Un bon chant dort chez l’aveugle,
la vue empêche la pensée et la langue.
Tu peux essayer, raconte n’importe quoi,
quand au milieu de ton discours
paraît devant tes yeux une autre image,
ton histoire perd la saveur et la force,
le cerveau se brouille, la langue se noue,
souvent tu ne sais pas ce que tu as voulu dire.
L’aveugle nest pas empêché par la vue,
il suit toujours la même direction,
comme un homme ivre qui se tient à la haie.


VOÏVODE BATRITCH


Racontons nos rêves avant de nous séparer !
J’ai rêvé comme jamais jusqu’à présent,
je suis content pour mes armes !
Cette nuit en rêve Obilitch passa en volant
à travers la plaine de Cettigné
sur son cheval blanc, comme une fée ;
Mon Dieu, comme il était beau !


(Trente ou quarante amis racontent leur rêve. Tous ont fait le même, ont vu passer Miloch Obilitch, comme voïvode Batritch. Tous vont gaiement vers l’église pour jurer ensemble qu’ils vont se battre avec les Turcs de leur pays. Ils entrent dans l’église. Vouk Mitchounovitch défait le châle qui était noué autour de sa tête, le tend à tous pour que tous le tiennent et se mettent en rond.)