Page:Petrović-Njegoš - Les Lauriers de la montagne, trad. Veković, 1917.djvu/50

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Ivan pleure son frère unique,
il pleure plus voïvode Ouroch
que s’il avait perdu ses deux fils ;
il regrette plus voïvode Ouroch
que toute la terre qu’il a perdue ;
il regrette plus voïvode Ouroch
que s’il avait perdu ses yeux ;
il aurait donné ses yeux pour le frère Ouroch.
Souvent il arrive à un héros
que le ciel lui rit aux éclats !
Ivan boit la coupe de vengeance
du breuvage sacré par Dieu lui-même.
Ses blancs cheveux se répandent sur son dos,
sa blanche barbe tombe jusqu’à sa ceinture,
ses vieilles mains tiennent le sabre et la lance,
ses mains et ses armes sont ensanglantées,
il compte à chaque pas les cadavres turcs,
le vieillard saute comme un jeune homme.
Mon Dieu, le rêve ne le trompe-t-il pas,
Pour que le vieillard vole ainsi ?
L’ancien bonheur s’est réveillé :
À Karoutché, à l’extrémité de Tzrmnitza[1],
sur quinze mille soldats turcs
ils ne laissèrent pas un seul vivant ;

  1. Un district du Monténégro.