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Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/113

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Cependant, et quelle que fût notre intimité, nos causeries et même nos confidences demeuraient superficielles. Ce n’était entre nous que des confessions d’épiderme, si je puis dire : elle ne m’avouait rien du fond de son cœur et ne cherchait pas à voir ce qui se passait dans le mien. Peut-être le devinait-elle, avec sa perspicacité et sa science précoce de la vie.

J’étais surprise, néanmoins, que jamais elle n’eût prononcé devant moi le nom de son frère.

Ce silence me devenait inexplicable et ma pensée sans cesse y revenait ; j’en subissais l’obsession. Et je me demandais : Est-il mort ? Est-il marié ? Est-il en France ou ne revint-il jamais de ce lointain voyage ?… Je commençais à chercher un moyen de satisfaire cette curiosité, devenue intolérable, lorsque une occasion se présenta d’une façon inattendue.

Elle m’avait priée à dîner, avec quelques amis ; une douzaine de personnages graves, me disait-elle, la série des collets-montés. Cependant elle exigea que mon « collet » ne fût pas à la hauteur de mes principes, m’expliquant comment une Parisienne sait abaisser son corsage en raison inverse de l’élévation de ses sentiments.

— Une femme qui laisse voir de belles épaules, me disait-elle, a le droit d’être prude tant qu’il lui plaît, sa pruderie n’étant alors ni ridicule, ni suspecte de cacher des laideurs.

Sur ce terrain-là, je perdis deux bons centimètres d’étoffe, sans compter les manches ; mais ce fut à regret, car je trouve le décolletage des femmes absolument impudique. Et je n’autorise pas un mari à se plaindre de l’infidélité de sa femme, alors qu’il l’exhibe, à son bras, dans l’étalage indiscret de sa chair dévoilée. Quand une femme a commencé à se dévêtir, à se laisser