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Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/140

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— Je vous ai montré ces deux solutions, inacceptables l’une et l’autre, pour arriver à une troisième qui me plaît mieux, et m’y voici. Il y a dix ans, si tu avais suivi mes conseils, Sylvère, tu serais restée fille pour attendre la majorité de Paul ; et aujourd’hui tu t’appellerais madame Paul Ruper. Tu fis, malgré nous, l’orgueilleuse sottise de te marier ; et tu sais le bonheur qui s’en est suivi… Mais ce qui est fait est fait ; ne récriminons pas ! Heureusement que la Providence a semé de quelque espoir le chemin qui te reste à parcourir. Jules Maurine ne paraît pas destiné à vivre longtemps encore… Depuis quelques mois je m’intéresse — passez-moi ce mot féroce — à l’état de sa santé, et je sais, presque certainement, qu’il n’a pas de nombreuses années à vivre : « Un an au moins, trois ans au plus » m’a dit le Dr B… Eh bien ! partageons la chance et mettons quinze mois. Te voilà veuve… As-tu compris ? Et toi, mon cher frère ?

Paul resta froid et dit :

— C’est bien long quinze mois, ou trois ans !

Je répondis en baissant la tête :

— Ce serait pourtant la seule combinaison possible… si je pouvais l’accepter.

— Et qui t’en empêche ? demanda Louise.

— Ma situation de fortune. Ruinée du peu que je possédais…

Elle m’interrompit :

— Paul est riche pour deux.

— Mais nous serions trois, dis-je : j’ai ma fille. Et je ne consentirai jamais…

— Ne recommence pas tes bêtises ! s’écria Louise, exaspérée, — car elle n’admet pas qu’on lui résiste. — Et d’ailleurs, n’es-tu pas une future millionnaire toi, si le succès de librairie t’arrive comme le succès litté-