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Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/141

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raire t’est venu ? Il ne faut que le flair d’un éditeur qui s’empare de ton nom et le lance. Ou même, sans cela, admets quelque circonstance qui te permette de payer une réclame corsée ; et chacun de tes romans te rapportera vingt mille francs, au moins !… Mais tu es plus riche que Paul ! Sa fortune peut disparaître dans un krach, tandis que tu portes la tienne, hors de toute atteinte, dans ta jolie tête effarouchée.

Alors Paul intervint :

— Laissons ces questions, dit-il, vivement. Elles n’ont rien à faire entre nous. Que seulement Sylvère se promette à moi quand elle sera libre ; et, puisque cette liberté n’est qu’une question de mois, de jours peut-être, qu’elle consente à me considérer comme son fiancé. Mais là, franchement, sincèrement, sans restriction.

— Eh bien, Sylvère, me dit Louise, te laisseras-tu enfin être heureuse ? Cela dépend maintenant uniquement de toi. Il est absolument vrai que l’on est soi-même l’artisan ou l’artiste de son propre bonheur. C’est une œuvre difficile…

— Et qui exige un collaborateur, acheva Paul en souriant. Voulez-vous m’accepter pour tel ?

Il me tendait les mains, d’un peu loin, suppliant, ému.

Je devais répondre, et pas une idée ne se formulait dans ma pensée, pas un désir. J’attendais que mon « moi » se décidât enfin d donner son avis, et j’éprouvais une anxiété presque pénible de cette attente.

Rien ne venait. Ce silence gênant nous était lourd à tous. Puis, comme toujours, je cédai à la pression morale, aux volontés qui commandaient la mienne, et, lentement, je levai vers Paul ma main qui se donnait.