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Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/171

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José entra.

Les deux hommes, également surpris, se serrèrent la main, avec un léger embarras. Sylvère s’était jetée, d’un élan, vers José. Il arrivait, lui semblait-il, miraculeusement, pour la sauver. Car une révolte était imminente ; sa douleur d’écrivain consciencieux devenait hautaine, lui faisant oublier tout intérêt matériel pour ne plus lui laisser voir que son droit à la défense de son œuvre.

— Je vous dérange ? demanda Meyrac.

Et comme de Labut, renfrogné, esquissait un geste vague, Sylvère s’écria :

— Pas du tout ! Vous êtes du métier ; cela ne me gêne nullement de travailler devant vous. Nous faisons des corrections, acheva-t-elle avec un gros soupir.

De Labut feignit d’en rire.

— Vous dites cela d’un air de victime, chère madame. Vous me trouvez donc bien féroce ?

Elle se contraignit à lever vers lui son timide regard de bête frappée et répondit à demi-voix :

— Un peu… sévère, seulement.

Le directeur s’apaisa à la trouver si douce.

Ses yeux bleus s’allumèrent d’une gaîté de conquête, et il sourit, de son bel air naïf d’homme à bonne fortune, semblant dire : « cette petite femme-là, je la prendrai comme on ramasse une fleur. »

Mais José s’était installé, en camarade. Sylvère lui tendit une coupe mousseuse de tabac d’Espagne ; il roula tranquillement une cigarette.

Alors, de Labut prétexta un rendez-vous et partit.

Ils écoutèrent, ensemble, s’éloigner les pas du directeur. Puis, bien seuls, ils se retournèrent l’un vers l’autre, et, les mains dans les mains, ils se regardèrent.