Aller au contenu

Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/192

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

comme à un bal public. On organisait des entrées, des surprises, des intermèdes ; et cette bonne Alix paraissait trouver cela charmant, quitte à s’en revancher, si on lui avait déplu, par quelque saillie impitoyable, une flèche d’or qui entrait au bon endroit et demeurait vibrante dans la plaie.

Les trois salons, au quatrième de la rue Boieldieu, étaient remplis avant onze heures. Mme Deschamps, refoulée jusque vers l’antichambre, attendait ses hôtes presque à l’entrée, superbe encore dans sa toilette de brocart blanc, à haute collerette emperlée, et coiffée d’un béguin de perles, en pointe sur son front découvert ; une belle Gabrielle un peu grasse, mais très majestueuse, avec des yeux noirs magnifiques.

Et la foule continuait d’ascensionner et de se tasser, jusque dans le buffet, un buffet royalement servi et depuis la première heure assiégé.

Soudain un hourrah éclata, ramenant la foule vers l’entrée ; c’était un groupe que l’on acclamait, tandis qu’il essayait de se frayer un passage et que les grêles habits noirs, rentrant les uns dans les autres, se collant au mur, se hissant sur les chaises, s’efforçaient de déblayer le chemin.

Parut alors Colombine, en galant habit classique ; mais les précieux tissus, les admirables dentelles et les gemmes qui pailletaient le costume en rehaussaient l’éclat. Et Mme de Bléry, avec ses yeux de braise, avivés par le fard des joues, sa bouche savoureuse retroussée, arc sanglant, et sa touffue chevelure noire, moussant autour du front étroit et de la nuque dorée, resplendissait de beauté sensuelle, attirante.

Un grand diable fauve, moulé dans un jersey de soie à losanges multicolores, et musclé, fort et souple, une merveille de lignes mises en valeur par l’attitude élé-