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Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/193

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gamment maniérée, le buste cambré, la jambe tendue, offrait son poing aux doigts coquets de Colombine. Et celle-ci s’avançait, remuant les hanches, avec des grâces d’Andalouse et un coup d’œil savant de triomphante coquetterie lancé, par-dessus l’épaule, vers l’admirable Pierrot qui la suivait.

Paul Ruper mimait Arlequin radieux menant sa conquête, et le blanc vaincu qu’ils traînaient sur leurs pas, poète innocent, trop pur pour être aimé, Pierrot candide enfin, c’était Sylvère, toute petite et jolie comme un saxe à voler et à fourrer dans sa poche, avec sa housse de crépon blanc, sa blanche figure de marbre aux yeux d’or, doucement penchée, sa calotte blanche sur la pointe de ses cheveux troussés, poudrés, givrés, comme roulés dans de la neige.

Un gros bouquet de fleurs d’oranger affichait bouffonnement la candeur immaculée de Pierrot ; et ses fins doigts, longs comme des pétales de lis, grattaient sur la guitare des aubades d’amour.

On criait autour d’eux, on battait des mains ; toute la foule bigarrée, chatoyante, rutilante, se mouvait, dans un remous de couleurs et de clartés, autour du groupe charmant qui tournait par les salles.

Pierrot traînait languissamment ses pieds minuscules et, tantôt sur son cœur appuyait sa main frêle, ou, renversant son front, semblait dire aux étoiles quelque étrange et naïve chanson.

Et Paul, plus fréquemment que n’exigeait son rôle, regardait derrière lui, vers ce Pierrot charmant.

Enfin le tableau mouvant se disloqua. Colombine abandonna le poing d’Arlequin et se retourna prestement vers Sylvère. Mais celle-ci, déjà entourée, effarée, appelait Paul d’un regard, ne sachant que répondre à l’avalanche des galanteries osées qui, de part et d’au-