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Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/195

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Sylvère balbutiait des mots qui peut-être acceptaient, mais pouvaient aussi se traduire par des refus : la seule pensée de sentir rouler sa taille entre tous ces bras inconnus l’épouvantait.

Et ce fut avec une vraie joie qu’elle vit s’approcher des hommes déjà fréquemment rencontrés chez Mme de Bléry.

Jehan Darce, dont le dessin publié dans le Courrier Français venait d’être saisi, et qui promenait son front pensif et sa longue taille légèrement ployée sous un costume d’escholier, l’escarcelle aux flancs. Laurence, en Francois Villon, et c’était bien pensé puisqu’il en a retrouvé la verve et les traits. Raoul de la Farge, en troubadour, ployant le genou devant toutes les femmes pour leur susurrer des vers érotiques. Banin (Carloman), un joli décadent de la première heure, vêtu en marié de village tout de satin blanc et maquillé de jeunesse et de fard ; rose, mignon, troublant, avec ses longs yeux qui gênaient les hommes et faisaient rougir les femmes.

Et Jacques d’Alsace, en fort de la Halle, écrasant de sa carrure superbe tout le fretin frétillant des petits jeunes ; très jeune lui aussi, mais comme un bel Hercule, et déjà préludant par des madrigaux acérés, subtils, pernicieusement littéraires, aux terribles bouquets à Chloris qu’il expédiait depuis — un par jour — aux femmes de Paris.

Ramenant son éventail avec des grâces japonaises, s’avança Derera en large robe bleue, toute rebrochée d’or, de fleurs et d’oiseaux. Imberbe, l’air assez jeune, flirteur enragé, critique dramatique, voire même auteur et décoré… par amitié du ministre, et compromettant toutes les femmes à les regarder comme s’il les avait quittées le matin.