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Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/199

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chanta le colonel. Cette petite femme-là, si peu semblable à tant de belles effrontées dont le pourchas commençait à le trouver blasé, lui chatouilla le cœur. Il ronronna quelques mots grasseyés, remplis de belle et naïve fatuité, avouant, à demi-voix, son coup de désir, un peu, comme pacha, il eût envoyé son mouchoir.

Sylvère, effarée, balbutiait une vague défense, cherchant autour d’elle un bras protecteur. Mais Louise, pour mieux marquer son dédain, avait sur-le-champ emmené son frère ; le baron Brelley suivait Louise ; et Sylvère demeurait seule entre Mme Deschamps, qui marivaudait et répondait pour elle, et Baringer, qui affectait une attitude sentimentale de séducteur séduit.

La galerie chuchotait, avec des rires brefs. Alix s’en aperçut. Elle se redressa, superbe dans sa royale robe de brocart, la collerette haute, et d’un geste prompt, audacieux, s’emparant du bras de Sylvère elle le passa sous celui de Baringer en disant :

— Je parie que Mme du Parclet ne connaît pas le chemin du buffet ! Emmenez-la donc, colonel !

Lui, radieux, retenant la petite main qui voulait s’échapper, entraîna Sylvère.

Derrière eux le buffet se remplit, d’une seule poussée. Mais Sylvère, toute à son désir de prendre la fuite, manœuvra pour se débarrasser de Baringer. Elle accepta du thé, se rendant ainsi les mains libres, demanda des choses qu’elle apercevait un peu loin d’elle ; puis, tandis que le colonel s’efforçait de les atteindre, feignant d’être bousculée, elle se recula pour laisser passer d’autres femmes, et, s’enfonçant dans la foule, elle glissa, disparut.

Comme elle courait droit à l’antichambre, Raoul de La Farge l’arrêta :