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Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/229

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de moi ce qu’il me plaît. Et je n’ai aucun goût pour la vie triste, moi ! Je ne suis pas un quintessencié, un rêveur à la lune, un tortionnaire des sens au profit de l’âme, comme les jeunes idiots du moderne psychique. Ton amie est charmante, mais…

— Tu ne l’aimes plus ?

— Elle ne m’aime pas. Voyons, ose me dire qu’une femme réellement amoureuse aurait vécu deux années, bientôt, comme nous vivons, avec tant d’occasions et de tentatives sérieuses de ma part, sans tomber dans mes bras ? C’est invraisemblable : car la femme même qui n’a pas de sens a des nerfs, elle a des sensitivités, des défaillances, des oublis de soi-même, en des situations attendrissantes. Une femme qui aime est prise, quelle qu’elle soit. Veux-tu toute ma pensée ? Sylvère se trompe quand elle croit m’aimer ; je ne la trouble pas. J’ai pu lui plaire à une heure de sa jeunesse inconsciente, et ce souvenir seul l’attache à moi. Elle est très tendre, d’ailleurs, et un besoin d’affection lui a fait accepter l’amour que je lui offrais et qu’elle croyait me rendre, mais ce n’est pas moi qui la ferai jamais se pâmer, je te le jure. Ce n’est pas moi qui serai le mâle vainqueur de cette féminité délicate et subtile. J’aurai beau jouer de la guitare sous sa fenêtre, ce n’est pas à moi qu’elle l’ouvrira ; je ne sais pas les chansons qui lui plaisent.

— Tu as pourtant un joli répertoire si j’en crois tes conquêtes.

— Bah ! on ne sait jamais tout.

— Tu ne sais même pas que Sylvére est très changée depuis quelque temps au point de vue… physiologique qui t’intéresse.

— Si, j’ai cru, je m’étais aperçu d’un certain état nerveux tour à tour et languide…