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Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/233

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je n’en sais rien. Peut-être ! Car enfin, on n’aime pas uniquement pour telle forme ou telle couleur !

Je crois que l’attirance, pour moi, est toute intérieure, et que vos cheveux seraient noirs et vos méchants yeux moins bleus, si vous m’aimiez comme je veux, je vous aimerais tout de même.

Je n’ignore pas que certaines femmes ont des « types » de prédilection ; c’est peut-être ce que vous cherchez à savoir. Eh ! bien, moquez-vous, mais je n’en ai point. Je trouve le blond plus joli que le noir ; mais je sens très bien que je trouverais le noir exquis si l’âme paraissait être… blonde. Voilà.

Mon « moi » réclame bien davantage son appareillement idéal que son accouplement matériel. Si les séductions ont échoué sur moi, — et je n’en tire vanité aucune — c’est que je suis peu ou pas accessible aux tentations physiques d’aucunes sortes. Ainsi, je souffre à peine des privations qui rendraient d’autres femmes horriblement malheureuses. Nulle gourmandise, aucun plaisir du goût ne me tente, et j’ai cependant le palais très délicat. Je sens, mais je ne désire pas la sensation. Comprenez-vous ?

C’est difficile ; car, avec cela, je souffre de mille misères et endurances. Je crois, pour conclure, que je dois avoir quelque horreur pour les joies physiques. Tandis que je suis molle comme une chiffe et tout de suite vaincue en présence d’une émotion purement cérébrale : un beau vers, une belle harmonie, un effet d’art, me serrent la gorge et je pleure, je tombe en défaillance.

J’ai toujours redouté la griserie d’art comme la plus dangereuse pour moi. Il est tel chef-d’œuvre, telle musique que je ne voudrais voir ni entendre seule… avec vous. J’éprouve des jouissances intellectuelles si