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Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/237

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Je suis comme une épave roulée à travers la tempête, et partout je me heurte, et partout je me brise. Tout m’est cruel…

Elle criait cela, jetée en travers du lit de l’enfant toute blanche, raide, envoilée, les mains emperlées du chapelet de nacre des premières communiantes ; tandis que psalmodiaient plus haut les nonnes terrifiées, et que, de la chapelle, venait le chant funèbre de l’orgue, qui préludait à l’ensevelissement.

Je te fais grâce de cet arrachement suprême ; les murs auraient pleuré. Lorsqu’on n’a pas vu une mère cramponnée au petit cercueil qu’on emporte, on ne sait pas, mais, là, pas du tout, ce que veut dire ce mot : souffrir !

Tu t’es dérobé, toi, à la part que tu devais prendre dans ce désespoir, à ton devoir de consolateur, d’appui moral ; j’en suis humilié pour toi, je te l’avoue. Je ne comprends pas, je ne veux pas comprendre,

Mais nous parlerons de cela plus tard, quoique…

Enfin, j’aime autant te dire ce que j’ai sur le cœur. Tu as douté de l’amour de Sylvère. Je veux dire de sa capacité d’aimer ; tu m’entends ?

Eh bien ! lis ce que j’ai volé pour toi, dans un certain livre mystérieux, relié d’un pan de la robe de mariée de la mère de Sylvère, étrange livre d’où s’exhalent des vers, des chants, des harmonies, des murmures d’âme glissant sur un velin jauni, jaune comme de la soie ; pages qui m’ont grisée comme si j’avais bu du vin de Chypre dans une coupe irisée, taillée, très frêle, dans un saphir. C’est au verso de l’un de ces feuillets, qu’ayant reconnu l’écriture de Sylvère, j’ai lu et copié ces quelques lignes :

« Mère et père qui avez chanté ici votre amour, un amour dont je n’entends jamais parler dans le monde,