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Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/239

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qu’excité par l’invincible et pur attrait de l’âme conquise. Même, il me semble que si j’eusse été aimée ainsi, je n’aurais pu résister, car je ne suis pas « un marbre glacé » comme ils disent. Ce qui me glace, c’est l’assaut brutal.

« Mais qu’elles sont, au contraire, faciles à provoquer les défaillances exquises d’un être sensitif comme le mien ! S’ils savaient quelles sont mes intimes souffrances ; et comme tout me manque parce qu’il me manque des baisers !… Oh ! les effleurements dont je rêve !… les abandons chastes d’un corps respecté, pris comme un vivant autel du plus adorable sacrifice !

. . . . . . . . . . . . . . .

« Est-ce possible, d’ailleurs, de rester insensible dans un monde comme celui où je vis ? Quel est le marbre qui ne se réchaufferait à ce brasier de passions dont les flammes, de toutes parts, vous enveloppent ?…

« Les nuits finissent par devenir des cauchemars… Un mal subtil vous glisse sous l’épiderme, et l’on n’ose plus se laisser toucher les mains, de peur de pâlir ou de crier d’une angoisse indéfinie. Le regard même se voile, impressionné par le seul contact d’un autre regard : comme si la délicate prunelle mouillée avait reçu le baiser d’un autre rayon visuel.

« On vit en perpétuel effroi de ses sensations.

« Et la fièvre gagne ; elle monte au cerveau ; elle démoralise, d’abord lentement ; on rêve à des compromissions ; des lâchetés vous sont suggérées. L’obsession fait son œuvre ; elle se colle à votre pensée, on la traîne partout avec soi.

« Et plus on la chasse, plus elle s’acharne ; elle arrive à régner despotique, en vous, et à influencer vos actes.