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Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/245

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— Bah ! Je vis tout de même !

— Comme l’on mange sans avoir faim.

— Est-ce si amusant de ressentir… de l’appétit ? Tu oublies, d’ailleurs, qu’il est encore plus triste d’être bien doué sous ce rapport et de n’avoir rien à se mettre sous la dent.

— Ce n’est pas ton cas, j’imagine ?

— Oh ! C’est n’avoir rien que de manquer de ce que l’on préfère, ou de ne pouvoir goûter à ce que l’on a.

— Prends garde, tu deviens symboliste !

— La vie est un symbole.

— Que tu traduis par…

— Souffrir. Et toi ?

— Aimer !

— Diantre ! Ta traduction est… hardie. Et si tu étais logique…

— Je le suis.

— Alors ?

Et, curieusement, Sylvère la regarda.

— Alors, ma belle amie… mais, avant, une nouvelle. Sais-tu où est M. de Bléry, en ce moment ?

— Au Japon ?

— A Paris.

— Chez toi ?

— Non, et pour cause. Nous sommes divorcés, depuis ce matin.

— Que me racontes-tu là ?… Voyons !… divorcés ? comme cela… sans bruit ?

— Comme tu vois. Il y a bientôt un an que cela traîne. Il marchandait…

— C’est toi qui as demandé le divorce ?

— Naturellement. De quel droit l’eût-il demandé, lui ?

— C’est juste, pardon. Je suis ahurie. C’est que tu m’avais fait une si belle théorie là-dessus !…