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Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/257

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obtenus à Milan. Un peuple ivre de joie voulait le porter en triomphe. Mais lui, modeste, — une anomalie, chez les fous de cette catégorie, paraît-il — chez les autres aussi d’ailleurs — refuse de parler de sa gloire. Il se défend, rougissant, avec un bon sourire, mais l’effet cérébral est sûr. Il va partir, il est parti.

Et, tirant de sa poche un long document, il consent à révéler son invention.

— Elle est très simple, dit-il, comme toutes les découvertes que la science a longtemps cherchées. Voici : la nature obéit à des forces, forces impulsives. Or, la nature se meut éternellement. Donc le mouvement perpétuel existe ; il s’agit de le saisir, de l’utiliser. Bien. Il faut un pendule, oh ! de dimensions énormes, soit. Qui le mettra en mouvement ? La terre. La terre tourne, n’est-ce pas ? Elle ne s’arrête jamais, la terre ! Donc on installera l’appareil, — un appareil qu’il décrit en termes techniques — sur la plus haute falaise qui existe, falaise à pic, bien entendu : le pendule est suspendu, et, obéissant au mouvement de rotation de la terre, il se meut. Dès qu’il est entré en mouvement, sa vitesse s’accroît, comme l’on sait, et il ne s’arrêtera plus. Alors il donnera le branle à d’autres appareils qui transmettront, de proche en proche, le mouvement initial oscillatoire ; et l’on aura ainsi emmagasiné l’une des forces les plus considérables du Cosmos.

On rit à se tordre.

Mais José de Meyrac a quitté les gradins ; il est venu s’asseoir au long de l’entrée, près des internes, et il ne rit pas, lui : il prend des notes.

Cette scène est finie ; le malade se rassoit et demeure tranquille, comme un spectateur, seulement un peu perdu dans son rêve.