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Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/266

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Ah ! s’il l’avait moins connue ! mais il la savait par cœur, l’innocente !

Très doucement, il l’attira vers lui, et, en plein front, il la baisa, chastement.

Et puis il s’étonna : elle pliait sous sa lente caresse, la tête renversée, les yeux clos. Il cria :

— Sylvère.

Mais, brusquement, elle se redressa, raidie, effarée, se reculant toute, ses mains devant elle. Et elle balbutiait, la voix dure :

— Eh bien ! Eh bien ! suis-je folle ? En voilà assez !… Dieu me pardonne, ma tête tournait !… Ah ! mais…

Et l’orgueilleuse dont le visage était blême, mais avec un regard hautain, terrible, leva son bras rigide qui donnait impérieusement congé, et dit très haut, très net, à José, stupéfait :

— Adieu, monsieur de Meyrac !

Cet adieu était sans réplique.

Il le comprit et s’en alla, le cerveau brouillé, très malheureux, et cependant distrait de sa peine par l’obsession d’une occupation voluptueuse : celle de rappeler à ses lèvres la saveur inconnue du baiser blanc qu’il venait de prendre au front de Sylvère.




Sylvère est demeurée brisée ; un peu surprise elle-même après cette scène avec Meyrac. Pour la première fois, elle a compris qu’elle pouvait être vaincue ; et son étonnement s’accroît en cette circonstance : ce n’est pas celui que, seul, elle redoutait, qui l’a mise en danger. Pensant à Paul, elle se trouve coupable et lui demande pardon.

Comment cela s’était-il fait ? Elle garde, à l’endroit où les lèvres de Meyrac se sont posées, une brûlure