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Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/292

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exposer à un si grand malheur ? Vous voyez, je suis franc. Et maintenant voulez-vous que je vienne demain soir ?

Elle l’avait reconduit jusqu’à la porte, qu’il avait entr’ouverte en causant, et elle se tenait demi cachée, derrière le battant, le front appuyé, confuse, troublée, très malheureuse. A ce dernier appel, elle fut prise d’une honte, à se cacher le visage dans ses mains, si elle eût osé bouger.

Mais elle murmura très bas :

— Oh ! oui, vous êtes… brutal !

— Vous voyez bien ! s’écria presque Paul Ruper, avec comme un allégement. Puis, sans se fâcher :

— Allons, grande enfant, bonsoir. A un de ces jours, je me sauve.

Et il s’en alla très vite, la laissant crispée, un balbutiement aux lèvres, la bouche s’ouvrant, malgré l’effet d’une volonté mourante, pour un appel suprême ; mais pas un mot ne jaillit. Elle repoussa la porte et s’y adossa, comme pour mieux sceller le tombeau dans lequel, volontairement, elle s’enfermait.

Alors le cri jaillit de ses entrailles remuées, torturées, de ses flancs qui se creusaient affamés, et qu’elle avait frappés de ses poings.

Et toute secouée de nerveux spasmes, épuisée enfin, elle se renversa, tordue, les bras en croix, en sanglotant :

— Je n’en puis plus… Je n’en puis plus !…




Sylvère attendit deux jours, sans sortir de chez elle, plus semblable à une lionne en cage qu’à la petite créature pale et tranquille que l’on connaissait. Elle-même d’ailleurs ne se reconnaissait plus.