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Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/310

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femme qui se refuse et de se coiffer l’esprit d’une autre qui passe ! Ah ! bien oui !… Tu m’exaspères, à la fin, avec ton don quichottisme, espèce de sainte niaise, qui ne vois partout que de beaux sentiments, de grandes vertus, de sublimes devoirs — bulles qui crèvent, tout ça ! — et qui t’en vas dans la vie le nez en l’air, très surprise ensuite, quand tu buttes et tombes et t’ensanglantes ! Voilà où elles t’ont conduite, tes chimères ? Le vois-tu, maintenant ?… Et, depuis le commencement de ton existence jusqu’ç la fin, ç’a été et ce sera toujours pareil.

— A savoir, répondit nettement Sylvère.

— Non, tu n’as jamais voulu prendre la vie comme elle était, ni voir les hommes comme ils sont. Tu as passé ton temps à te battre et à te débattre contre les nécessités inéluctables de ta situation. La fatalité des choses t’a vaincue.

— Pas encore !

— Ne fais donc pas la vaillante, aujourd’hui, car ton cœur saigne et je vois ses blessures à travers l’orgueil de ton regard.

— Tu vois mal : je souffre, mais j’ai courage.

— Et à quoi bon ton courage, maintenant, ma pauvre Sylvère ?

— Mais… à ramener Paul !

— Tu ne m’as donc pas comprise ? fit Mme de Bléry avec stupeur, et aussi un peu inquiète du calme trop parfait de Sylvère.

— Si : tu m’as dit que Paul avait signé cette nuit son contrat de mariage.

— Eh bien ?

— Un contrat de a mariage se déchire : il n’est pas marié.

— Il le sera demain.