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Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/39

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notre petite ville, de braves gens, plus ou moins laids, qui parlaient fort, riaient haut, et te regardaient peut-être un peu trop hardiment sous ton joli nez. Alors, pour toi, les hommes c’est ça ?…

— Evidemment, répliqua Sylvère, et même ils se ressemblent tellement tous que je me demande parfois comment on fait pour les reconnaître !

— Tous ?

Et Mathilde, avec un sourire malin, en regardant Sylvère au fond des yeux, ajouta :

— Je parie que tu ne reconnaîtrais même pas Paul Ruper ? Hein ?

Un flot de sang monta aux joues de Sylvère. Alors, se fâchant presque, elle bredouilla vivement :

— Mais ce n’est pas un homme, Paul Ruper, c’est un enfant.

— Un enfant de vingt ans ! Merci ! Mais il a des moustaches, ma chère ! Même qu’il a passé son bachot et qu’il fait son droit ! si vous n’appelez pas cela être un homme ! Eh bien ! les hommes desquels je vous parle, ceux qui peuvent devenir des maris, un jour, prochainement, ce sont des jeunes gens comme Paul Ruper, blonds ou bruns, mais faits comme lui, et il ne me paraît pas du tout aussi difficile qu’à vous de choisir, parmi ceux-là, quelqu’un que l’on puisse aimer. Convenez franchement que j’ai raison.

— Je ne sais pas, je n’avais pas encore réfléchi à cela, répondit rêveusement la sage Sylvère, mais j’y penserai.

— Au revoir donc, ma chérie, et emportez tous mes vœux de bonheur.

— On est toujours heureuse, je crois, lorsque l’on fait son devoir. J’obéirai à Dieu, à grand’mère…

— Et à la destinée, conclut Mathilde. Allons, à dix