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Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/38

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— Si, je voudrais… je ne sais pas dire cela ; je voudrais être toujours sage, oh ! très sage, comme lorsque je reviens de confesse et que mon âme est blanche, paraît-il. Cet état me plaît…

— Le couvent, ma chérie, c’est le couvent qu’il faut à votre désir de colombe, soupire Emmeline, les yeux vers le ciel, doucement extatique.

Mais Sylvère :

— Non : je veux être libre ; pas de murs, pas de grilles, l’espace ! Si je me voyais enfermée dans un cloître et dans des murs… il me semble que j’étoufferais.

— Vous avez bien raison, reprend Mathilde. Ce qu'il vous faut, voyez-vous, c’est de rencontrer un jeune homme qui vous aime, que vous aimerez et dont vous deviendrez la femme. Moi, je l’avoue, je rêve d’amour.

— Oh ! fit Emmeline choquée.

— Eh bien, quoi !… Comme nos mères, après tout ! N’est-ce pas, Sylvère ?

— Aimer !… murmura dédaigneusement Sylvère, cela me paraît bien difficile !

— Quoi, ma chère ?

— Mais, reprit angéliquement Sylvère, d’aimer, comme nous nous aimons là, un de ces êtres énormes, barbu, à la voix rude que l’on rencontre sur son chemin, et qui sont des hommes !… Moi j’en ai peur comme d’une vilaine bête !

— Pauvre Sylvère ! fit avec une compassion moqueuse la savante Mathilde, voici le résultat de ton éducation. Elevée par ta grand’mère seule, sans père ni frère qui aient amené des hommes à ton foyer, tu ne connais ces « vilaines bêtes-là » que pour avoir rencontré quelquefois, pas souvent, dans les rues de