quelque faute que vous teniez à me faire pleurer ?
— Sylvère, causons sérieusement, veux-tu ?
— Oui, grand’mère.
— Alors, mon enfant, écoute-moi ; tu vas avoir bientôt dix-huit ans. Tu es forte, bien portante, bien raisonnable, sérieuse même, une petite femme tout à fait.
— Toute petite, oui grand’mère.
— Oh ! pas tant que ça, quand tu as de hauts talons !… Enfin, ne penses-tu pas que tu serais d’âge à être mariée ?
— Si, grand’mère, répondit tranquillement Sylvère.
— Ah ! fit l’aïeule un peu surprise. Tu y avais donc songé ?
— Certainement.
— Bien !… Et à quel propos ces idées te sont-elles venues ?
— Mais… Je ne sais pas, grand’mère, tout naturellement je pense. N’est-ce pas ainsi que cela se passe autour de nous ? Une fille grandit, se marie, devient mère, puis grand’mère, et puis… voilà ! Ne faut-il pas que je fasse comme tout le monde ?
— Si fait. Ainsi, tu as le goût du mariage ?
— Le goût ? Je ne comprends pas.
— Enfin, tu penses avec plaisir à prendre un mari ?
— Avec plaisir ? Non.
— Non ?… Alors quoi ? Comment ?
— Mais je vous l’ai dit, grand’mère, parce que je vois que la vie s’arrange ainsi pour les autres ; et puis peut-être, au fond, parce que je ne serais pas fâchée d’être appelée « madame » et de pouvoir lire tous les livres qui me sont interdits.
— C’est ce que tu vois de plus intéressant dans le mariage ?