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Page:Peyrebrune - Les femmes qui tombent, 1882.djvu/44

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les femmes qui tombent

— Ah ! si ce gredin d’Abel voulait me chauffer ça, lui qui dispose de tant de publicité, qui a la main dans tous les journaux, il m’enlèverait ce rôle de madame Ève qui va faire courir tout Paris dans notre prochaine revue. Et si j’avais le rôle…

— On augmenterait vos appointements ?

— Je m’en fiche un peu, par exemple ! Non ; mais j’aurais les diamants que mon baron m’a promis et qu’il ne me donne jamais. Or, sans diamants, le rôle est impossible. Et comme je le menacerais de rendre le rôle, par amour-propre, il s’exécuterait. Voilà.

— Des diamants pour le costume d’Ève ?

— Pardine ! après le péché.

Le jeune homme que l’on avait appelé Martin-Dumont quitta comme un fou le cabinet directorial, la face éclairée, le regard ensoleillé. Il emportait une espérance de gloire et déjà son front rayonnait.

Il passa sans rien voir et sortit.

L’employé appela :

— Mademoiselle Catherine Mordon.

Une toute jeune fille, simple, l’air modeste, se leva très troublée et disparut derrière les lourdes portes. La chanteuse continua :

— Mais c’est une scie, voyez-vous, les hommes mariés. Le mien, sa femme le ruine. On parle assez d’elle et de ses splendeurs dans toutes les feuilles de choux. Ça m’agace.