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Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/128

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aux trois quarts. » On appelait négrillonet négrillonne ou négritte, les petits nègres de l’un ou l’autre sexe n’ayant pas encore dix ans. Dans les actes diplomatiques, on emploie souvent l’expression une « tonne de nègres[1] », ce qui représente trois nègres[2].

Le manque d’une seule dent rend un esclave défectueux comme esclave de première qualité ; de même une simple tache dans l’œil, ou la perte d’un doigt[3]. De là nécessité d’un examen des plus minutieux. « On les fait courir, sauter, parler ; on leur fait mouvoir toutes les articulations ; rien n’échappe à la vigilance du marchand ; quoique la pudeur ne soit pas d’un grand mérite auprès des femmes de ce pays, elles sont étonnées, honteuses même des perquisitions et des regards indiscrets du chirurgien visiteur[4]. » Malgré tout, on est encore plus d’une fois trompé ; car les nègres sont assez souvent atteints de hernies, ou sont sujets à des attaques d’épilepsie et de folie ; et nous verrons que c’est une perte nette pour le négrier (Cf. liv. I, ch. iv). Épuisés souvent par la marche, ils arrivent en piteux état à la côte, et il faut les remettre en état avant de les vendre. Un courtier anglais déclare ceci : « Ils sont, en général, très chétifs, avec de grandes éruptions sur toute la peau, très scrofuleux, et ils ont souvent, lorsqu’on les vend, des ulcères très malins. Nous les achetons en cet état. Lorsque nous les revendons aux capitaines, ils ont souvent de la fraîcheur et de l’embonpoint. » Il dit encore : « Je suis certain, autant d’après mes propres observations que par leur extérieur en général, qu’ils sont contents et ne se lamentent point du changement de maîtres. » Il est vrai que ces malheureux étaient absolument à la discrétion de leurs maîtres d’Afrique et que souvent ils évitaient ainsi, en étant vendus à des Européens, de servir de victimes

  1. Block, Dictionnaire politique, p. 882.
  2. Tourmagne, Histoire de l’esclavage, p. 322.
  3. Arch. Col., F, 61, Déposition de Jean Fontaine.
  4. Walckenaër, V, 216 : Voyage de Lamiral, etc.