nègres ; vous avez ôté 9.000 francs des appointements, dont le reste n’est pas payé ; vous me réduisez à un nègre par chaque cent de ceux que les négriers apportent, dont il arrive fort peu ; c’est tout au plus 500 francs. De quoi puis-je vivre, tout étant hors de prix ? » Et il demande au moins 3 %. Puis, le 5 juillet suivant[1], il réclame encore en écrivant que, si on ne lui accorde pas satisfaction, il sera « réduit à manger seul un morceau de pain ». D’autre part, le sieur de Montaudouin, négrier de Nantes[2], informe M. de Vaucresson qu’il s’est plaint au Ministre de la rapacité des officiers du roi. Il lui reproche d’avoir obligé les commandants de deux de ses vaisseaux à lui payer 5.800 et 5.700 livres et, de plus, à céder aux autres officiers à 300 livres des nègres qu’on pouvait vendre 600. « Vous vous jetez, ajoute-t-il, sur les pauvres vaisseaux négriers comme des vautours ravissants… À la fin, vous auriez peine à vous contenter de la moitié de la cargaison. » Sur ce, M. de Vaucresson informe le Ministre[3] qu’ « un nommé Montaudouin lui a écrit une lettre insolente ». Et il donne les explications suivantes au sujet des nègres de choix : « Depuis qu’on introduit des nègres ici, c’est-à-dire depuis cinquante à soixante ans, les capitaines en ont cédé les plus beaux aux personnes en place à 100 écus pièce. Le général en avait 12 à ce prix-là ; l’intendant, 8 à 10 ; et le gouverneur, 10. Ces mêmes capitaines faisaient aussi une gratification au capitaine des gardes, aux secrétaires, et cela allait souvent jusqu’aux domestiques. Enfin, ils s’attiraient tant qu’ils pouvaient de l’accès et de la protection par ce moyen pour recouvrer plus facilement leurs dettes et faire leurs voyages plus courts, et ils s’en trouvaient fort bien. Du depuis les capitaines ayant trouvé plus convenable pour eux de garder leurs plus beaux nègres pour assortir les ventes et de donner 300 livres au général et à
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