soi- par un bon chirurgien. Il constate qu’en général les religieux traitent assez bien leurs nègres pour n’avoir presque pas besoin d’en acheter ; « ils sont même en état d’en vendre de leur production ». Mais c’était la une exception des plus rares.
« Un observateur plein d’autorité, Bryan Edwards, calculait la décroissance de la population noire à 2 1/2 % par an[1]. » Moreau de Saint-Méry[2] évalue la perte naturelle à 5 % ; mais il faut tenir compte des naissances qui compensent pour moitié cette perte. Voici, à ce propos, l’indication que nous trouvons dans des instructions adressées au Comte d’Estaing, lieutenant général du roi à Saint-Domingue, le 1er janvier 1764[3]. Les colons, observe le roi, se plaignent de manquer de nègres ; ils disent qu’à supposer qu’ils en eussent le nombre nécessaire, il leur faudrait tous les ans un remplacement de 15.000 noirs. Or, à cette date, ils n’en avaient que 230.000, et ils estimaient qu’il leur en aurait fallu encore une quantité double de ce nombre. Si nous comptons 600.000, nous arriverions à la concordance avec le chiffre de Bryan Edwards, qui paraît exact.
Or, comme le remarque M. Leroy-Beaulieu à propos des Antilles anglaises, les affranchissements ne donnent pas la raison de cette constante diminution. D’autre part, il y avait un nombre presque égal de nègres et de négresses. Ce ne sont donc que les conditions anormales dans lesquelles vivaient ces malheureux qui puissent expliquer leur disparition progressive. « Le climat, le traitement, l’absence de la famille et peut-être aussi une loi naturelle, d’après laquelle l’esclavage serait à l’homme ce qu’est la domesticité aux animaux faits pour vivre en liberté, le rendaient moins apte à se reproduire : telles sont les causes vraisemblables de ce fait incontestable. Une population esclave doit se recruter au dehors et ne peut se maintenir, en général, par elle-même[4]. »