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Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/236

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les efforts des religieux étaient restés impuissants contre le désordre des mœurs. La famille n’a été constituée qu’à l’état d’exception pour les nègres, relativement à leur grand nombre. Les statistiques faites au moment de l’abolition de l’esclavage démontrent surabondamment que l’état des choses ne s’était pas modifié pendant la première moitié du xixe siècle[1]. La loi ne prévoit pas le cas d’adultère pour la négresse mariée. Quel est, d’ailleurs, le nègre qui eût osé porter plainte contre son maître ? Ita servus homo est[2] ! Assurément la plupart des maîtres qui mariaient leurs esclaves durent être de ceux qui se respectaient eux-mêmes le plus. Mais, si les garanties légales sont souvent insuffisantes au point de vue des mœurs dans les sociétés composées uniquement d’hommes libres, que dire de celles où elles n’existaient pas entre maîtres et esclaves ? L’instinct une fois lâché, qu’est-ce qui l’arrêtera ? L’esclavage n’a fait qu’assurer à ce point de vue le lamentable triomphe de la bête humaine.


  1. M. de Tocqueville dit à la Chambre des députés, le 30 mars 1845, qu’en 1842 il y avait eu 130 mariages pour toute la masse des esclaves. Tous les auteurs s’accordent à reconnaître que le concubinage est l’état ordinaire des nègres. — Cf. Schœlcher, Col. françaises, 22-78 ; — abbé Castelli, De l’esclavage, etc., 122 ; — abbé Dugoujon, Lettres sur l’esclavage, etc., 28 ; — de Broglie, Rapport de la Commission, etc., 134-138. De la Charrière rapporte que les associations des nègres ne durent guère qu’un an. L’abbé Dugoujon cite (p. 91) une habitation modèle où, sur 258 nègres, il n’y avait pas une seule union légitime.
  2. Juvénal, sat. VI, v. 219.