Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/250

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y a de déterminer les habitants à cultiver assez de vivres. Dessalles[1] constate, lui aussi, que presque tous les habitants, surtout les cultivateurs de café, aiment mieux donner le samedi à leurs esclaves que les nourrir. « Les esclaves préfèrent cette méthode, parce qu’alors ils se jettent sur les plantations des nègres attachés aux grandes sucreries, les pillent et les dévastent entièrement. » Or il est d’avis qu’il n’y a guère moyen de remédier à un pareil désordre.

En résumé, par quelle aberration les maîtres en arrivèrent-ils à pratiquer presque constamment ce système de ne pas nourrir leurs esclaves ? À supposer qu’un propriétaire comptât qu’ils vivraient ainsi aux dépens des voisins, ceux-ci faisaient naturellement le même raisonnement ; c’était donc l’organisation du pillage réciproque et forcé. Il semble, en vérité, que les colons aient tout fait pour inciter au mal ces natures originairement plus frustes que perverses. Et plus tard certains esclavagistes eurent beau jeu à venir dire : « Que voulez-vous faire de ces bêtes brutes qui à la stupidité de l’animal joignent la méchanceté ? » Nous sommes obligés de reconnaître, hélas ! que le régime auquel ils furent soumis ne contribua pas peu à les rendre tels.



IV

La question des vêtements[2] avait moins d’importance, étant donné que le climat des Antilles permet de s’en dispenser ou à peu près. Aussi ceux que les maîtres fournissaient à leurs esclaves étaient-ils des plus sommaires. Du Tertre (II, 520) n’indique pour les hommes qu’un caleçon de grosse toile et un bonnet ; pour les femmes, une jupe ou cotte de toile, souvent assez courte, et rien sur la tête ; point de

  1. III, 289.
  2. Voir Moreau de Saint-Méry, Descr. de Saint-Domingue, Atlas, pl. 25 et 26 représentant différents costumes de nègres et négresses.