Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/252

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chose de leur prise, surtout lorsqu’elle avait été fructueuse ; enfin les plus habiles s’ingéniaient à se faire bienvenir de leurs maîtres par de petits services particuliers, de petites attentions, même intéressées, qui leur étaient payées largement en retour. C’étaient principalement et presque uniquement les domestiques qui étaient ainsi à même de s’insinuer dans les bonnes grâces de leurs maîtres ; les nourrices surtout en profitaient pour elles et pour leurs enfants. Ne parlons pas de certains autres profits que les négresses réalisaient généralement quand elles avaient su plaire. Bref, il y avait pour les esclaves divers moyens de parvenir à avoir quelque chose ; et, l’argent qu’ils se procuraient, c’était particulièrement à leur toilette qu’ils le consacraient. « Leur plus grande ambition, c’est d’avoir de belles chemises et quelques galons à leur chapeau ; les femmes sont curieuses de jupes de belle toile blanche, qu’elles préfèrent à toutes les étoffes, comme plus capables de relever leur noirceur[1]. » Elles portent aussi des colliers et bracelets de rassade[2] blanche à quatre ou cinq rangs, avec rubans de couleur à leurs cheveux, leurs chemises, leurs jupes. « Autrefois il y avait des nègres à la Martinique qui, par un abus intolérable, portaient l’épée[3] ; » mais depuis, on ne leur a plus permis qu’un bâton. On reconnaît bien là l’esprit d’imitation si naturel à l’homme. De même, il y en avait qui attachaient leurs cheveux avec des fils de coton pour les rendre plus longs. Quelques-uns se rasaient la tête à la façon des religieux, ou par bandes ou en étoiles. Ceux d’Angola se tatouaient. Du Tertre appelle cela « une espèce de broderie » qui fait saillie ; car ils ignoraient l’art de marquer le dessin à fleur de peau seulement. Avant de connaître l’usage des chemises, ils s’oignaient le corps d’huile

  1. Du Tertre, II, 520.
  2. « La rassade, dont les Caraïbes, les nègres et même les femmes blanches se servent pour faire des bracelets et autre chose de cette nature est une espèce d’émail qui est teint de différentes couleurs. Il y en a qui sont en cylindre, percées dans leur longueur pour être enfilées. » Labat, II, 126.
  3. Du Tertre, II, 522.